Quelques perles recueillies en survolant le Séder de Mikets
Utiliser la religion
Lorsque Pharaon raconte son rêve à Yossef, il dit: "dans mon rêve voilà que je me tient au bord du fleuve."
Rabbi Shmouel Di Osida remarque que cette description n'est pas totalement fidèle au rêve du Pharaon, puisque dans le rêve il est question d'un pharaon qui se tient SUR le fleuve! Il faut, pour comprendre cette manœuvre verbale, ne pas oublier les paroles du Midrach au sujet de Pharaon, nous enseignant que "les mécréants se tiennent SUR leurs divinités". Ce qui veut dire qu'à la différence des justes qui essayent de se soumettre réellement à la "Volonté Suprême", les impies se servent de leurs pseudos-divinités pour mieux se mettre en valeur. Pharaon a donc eu honte de raconter la "réalité" de son rêve le montrant comme un impie, et décida de modifier la scène qu'il décrivait.
Si nous devions retenir une leçon bien concrète de cet enseignement, ce serait de nous questionner sincèrement sur notre manière d'aborder les différents moments de la pratique religieuse: allons-nous vraiment à la synagogue pour y prier ou plutôt pour le Kidoush d'après la prière, etc….
Se préparer à la prière
Invité à sortir de prison et à paraitre devant Pharaon, Yossef se ''tondit, changea ses vêtements, et se présenta devant Pharaon''.
S'appuyant sur ces précisions, Rabénou Lévi fils de Guérchom, ou Ralbag, enseigne: Si déjà un homme s'apprêtant à se tenir devant un roi fait de ''chair et de sang'' doit se faire beau et adapter sa tenue vestimentaire, a fortiori que celui qui se prépare à la prière soignera son apparence et ses vêtements…
En un clin d'œil
"Ils firent rapidement monter (Yossef) du puits" (41, 14).
La délivrance divine, expliquent les commentateurs (Sforno), se déroule de manière instantanée. Yossef, une fois le temps de sa délivrance arrivé, fut sorti de manière instantanée. De même, lorsque le peuple d'Israel devra sortir de l'esclavage, il sera littéralement ''chassé" d'Egypte à tel point que la pâte qu'ils préparèrent n'eue point le temps de gonfler.
Quant à la délivrance finale, elle adviendra également subitement. Cette rapidité dans l'exécution de la délivrance n'est que la conséquence de son caractère providentiel. En effet, un temps bien déterminé étant octroyé à chaque exil et à chaque souffrance, lorsque le temps du décret est écoulé, rien ne justifie une attente. Yossef devait purger deux années supplémentaires en prison, les juifs devaient sortir le 15, Nissan (anniversaire de l'alliance avec Avraham, de l'annonce de la naissance et de la naissance effective d'Itsh'ak) et le Mashiah' se dévoilera très rapidement! (H'afets H'ayim).
Chez le coiffeur Roch Hashana?
Il est précisé dans le Talmud (traité Roch Hashana 10 b) que Yossef sortit d'Egypte le jour de Roch Hachana, donc un jour de Yom Tov. D'où la question suivante: comment lui était-il permit de se couper les cheveux en ce jour sacré et de transgresser par cela l'interdiction de tondre?
Le Hatam Sofer apporte une réponse en se basant sur l'avis de certains décisionnaires émettant l'opinion que pour une Mitsva il est autorisé, même le Chabat, de demander à un non-juif de faire un travail interdit. (C'est un avis qui n'a été retenu que sous certaines conditions et rarement utilisable). Or le respect dû au roi étant certainement une Mitsva, Yossef s'autorisa à employer les services des personnes qu'il côtoyait. Une réponse plus simple est proposée dans un ouvrage récent: en cas de danger de mort, il lui était autorisé de faire le nécessaire pour sauver sa personne.
De la sainteté à la royauté.
Il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que Pharaon nomme Yossef vice-roi d'Egypte. C'est que l'on pouvait observer chez Yossef des attributs "royaux". D'abord dans la demeure de Poutifar où il fit preuve d'une maîtrise de soi exemplaire, ensuite en prison où il impressionna son entourage, et enfin devant Pharaon qui vit en lui le leader dont il avait besoin. Quelle est la force qui lui donnait ces attributs? C'est la force de la Kédousha, de la sainteté, qui s'exprime dans une maitrise de soi rendant capable de gouverner les autres. D'où son nom "Yossef Hatsadik". C'est ce qui distinguera le Machiah' que nous attendons: tous se rabaisseront devant lui. Le Maharal formule cette qualité de Yossef ainsi: Un "dirigeant" est par définition séparé des autres personnes.
Cette distinction est également le propre de la Kédousha, de la sainteté, qui renvoie toujours à la notion de "distanciation". (Par exemple le peuple juif à qui il est demandé d'aspirer à la Kédousha et qui est censé opérer une séparation entre lui et les nations.) (Rav Wolbe, Chiourims).
Le vin d'Egypte
Si nous admettons, comme le suggèrent beaucoup de maîtres, que la famille des patriarches respectait les injonctions de la Tora avant même que celle-ci n'ait été donnée, comment les frères de Yossef étaient-ils autorisés à boire du vin avec celui qu'ils considéraient encore comme un égyptien, donc un idolâtre? La réponse la plus simple que nous pouvons apporter se base sur l'enseignement du Ramban qui établit que le respect des Mitsvots "pré-Matan Tora" n'était observé par les Avots uniquement en terre d'Israel. Or les frères étaient à ce moment-là en Egypte. (Mérapsin Igré)
Sans rancœurs.
Lorsque Yossef reconnut ses frères, il se conduisit envers eux comme un étranger. L'expression employée est ''Vayitnaker", de la racine NCR, renvoyant à l'étranger. Pourtant, la fameuse traduction araméenne d'Ounkelos, généralement très proche du texte, traduit: "il réfléchit à ce qu'il allait dire''. En admettant qu'Ounkelos ait préféré donner une traduction plus proche du sens que de la forme, encore faudrait-il en saisir le rapport avec l'expression original!
En fait, explique le Divré Yéh'ezkel, Yossef craignait qu'en donnant une "leçon" aux frères, il ne se laisse guider par une éventuelle volonté de vengeance. Le traitement qu'il subit jadis était naturellement propice à éveiller ce genre de sentiments. Il se donna donc le temps de se mettre en condition d'étranger afin d'être sûr d'agir envers ses frères avec toute la froideur et l'objectivité d'une personne qui ne serait pas de la famille. Lorsque la Tora parle d'étrangéité, elle fait donc référence à cette réflexion précédant la réaction.
R. Chmouel Olivier