Perles recueillies en survolant les Sédarims de Matot et Massé
Dégurgiter le mal
"Toute chose qui est passé par le feu, vous le ferez passer au feu " (31,23).
Autrement dit, tout ustensile dont l'utilisation fait participer le feu doit être passé au feu pour être "cachérisé". Ceci afin d'extraire de cet ustensile les résidus d'impuretés contenus en lui.
Rabbi H'ayim de Volozin, dans son commentaire sur les Pirké Avot, donne un enseignement édifiant qui peut être déduit de cette loi. L'homme qui souhaite se rapprocher d'Hachem ne pourra le faire qu'après s'être préalablement nettoyé de l'impureté dont il est imprégné. Car tout comme l'utilisation d'un ustensile contenant dans ses parois des résidus d'interdits ne sera d'aucune utilité, puisqu'elle rendra à son tour interdits tous les aliments ainsi cuisinés, ainsi en sera-t-il du cœur de l'homme. Tant qu'il sera encombré des impuretés des fautes commises, tout ce qu'on y apportera portera la marque de l'impureté. Ce n'est qu'après avoir fait sortir ces scories encombrantes, et ce par le feu de la Torah, que ce cœur pourra être le vecteur d'une ascension vers la spiritualité la plus pure.
L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt.
Un passage du Talmud de Jérusalem (Kétouvot chap. 8) nous apprend que Rabbi Chimon Ben Chetah' est à l'origine de deux choses qui a priori n'ont strictement rien à voir : d'une part l'institution de l'école comme lieu d'instruction pour les enfants. Et d'autre part la loi stipulant que l'impureté rituelle ne quitte pas un ancien ustensile en métal qui aurait pourtant perdu son intégrité. Ces deux institutions de Rabbi Chimon Ben Chétah' ne sont-elles réunies que parce qu'elles ont le même auteur ?
En fait, nous enseigne Rabbi Méir Chapira de Lublin (auteur du célèbre Daf Hayomi), un lien profond unit ces deux choses. Car en professant qu'un ustensile, même brisé, ne perd pas son impureté originelle, Rabbi Chimon nous enseignait l'importance de la notion de "début". Les "prémisses" sont décisives dans bien des situations. En particulier dans l'éducation d'un enfant. Plus tôt celui-ci sera-t-il abreuvé aux sources pures de la Torah, mieux se portera-t-il tout au long du reste de sa vie. D'où la nécessité de fonder des lieux d'apprentissage qui instruiront les individus dès leur plus jeune âge.
L'or perdu.
Les enfants des tribus de Gad et de Réouven souhaitent rester de l'autre côté du Jourdain, dans le souci de disposer de suffisamment de place pour les familles et les troupeaux. "Ils s'approchèrent de lui en disant : nous construirons des pâtures pour notre bétail et des villes pour nos enfants" (32,16).
Dans ce verset, les Sages décèlent chez les membres de Gad et de Réouven un attachement aux biens matériels (ici le bétail) qui dépasserait même leur attachement (pourtant bien plus sain) à leur progéniture. Cette affirmation, rapportée par Rachi, s'appuie sur le fait que les animaux précèdent les enfants dans la revendication de ces tribus.
On rapporte une anecdote qui toucha la famille du célèbre Gaon de Vilna, plus exactement son neveu Rabbi Eliahou fils de Rabbi Avraham. Celui-ci se rendit compte, lors des jours de festivités qui suivirent son mariage, qu'on lui avait volé bon nombres d'objets en or et en argent qui lui furent offerts par la famille lors de son mariage, comme le voulait la tradition. Il ne raconta rien de ce qui lui était arrivé, pour ne pas gâcher la joie de ces jours exceptionnels. Ce n'est qu'après les festivités qu'il se mit à la recherche des bijoux, et fut convaincu que le voleur avait voyagé à Vilna pour les revendre. Il s'apprêtât donc à partir pour Vilna à la recherche de ces objets. Mais auparavant il alla prendre la bénédiction de son oncle le Gaon. Celui-ci, en apprenant les motivations de ce voyage, eut une réaction qui en dit long sur la valeur qu'on accordait chez cette famille à l'étude de la Torah : " je n'aurai jamais cru que dans notre famille quelqu'un serait prêt à perdre des moments d'étude de la Torah pour aller cherchez de l'or et de l'argent…"
Le grand voyage.
Tout lecteur de la Paracha de Massé est interpellé par le soin que la Tora accorde à l'énumération de toutes les étapes du voyage que le peuple entreprit dans le désert. Les maitres aussi ne se privèrent pas d'en expliquer la pertinence. Rachi, inspiré par le Midrach, rapporte une parabole. Celle d'un père qui voyage avec son fils malade pour se rendre chez un médecin loin de chez eux. Sur le chemin du retour, une fois le fils guéri, le père prend la peine de rappeler à chaque étape ce qui arriva à l'aller : "ici nous avons dormi, ici nous nous sommes rafraîchis, ici tu avais mal à la tête, etc. " Pour le Maharal, ce qu'il faut saisir ici est l'amour que le père donna à son fils en s'occupant de lui dans chaque situation, amour que seul un vrai père est capable de donner. C'est cette preuve d'amour d'Hachem envers son peuple que la Torah veut communiquer dans les 42 mouvements de ce voyage.
Des noms qui parlent.
Derrière les noms des lieux fréquentés par les Enfants D'Israël lors de leur voyage dans le désert, les Sages de tous temps ont décelés des messages pertinents pour toutes les générations. Parfois l'exercice consiste à lire ces noms sur le mode allusif. Ainsi, lorsque le verset nous apprend que le peuple a quitté le Sinaï pour les "tombes de l'envie", des maitres en déduisent que quitter l'étude et la pratique de la Torah (donc le Sinaï) est une manière de se laisser aux mains des désirs et des passions. Car seule la Torah est susceptible de donner aux hommes les moyens de résister aux tentations qui l'envahissent quotidiennement. C'est donc ainsi que nous pouvons lire le verset disant qu'ils allèrent "du Sinaï aux tombes du désir ".
R. Chmouel Olivier