Perles recueillies en survolant le séder de Haazinou.
La confiance comme projet.
"Le Rocher est intègre dans son action, car toutes ses voies sont justice, c'est un Tout- Puissant fiable, qui ne connaît point l'iniquité, il est juste et droit." (32,4)
Voici le commentaire (légèrement adapté) de Rabbi H'ayim Ben Atar :
"Explication : [le texte a] dit précédemment que l'investissement dans l'étude de la Torah engendre la tombée de la rosée et de la pluie. Il [le verset] veut éveiller [le lecteur] sur le fait que si jamais un homme s'investit dans la Torah et [pourtant] sa subsistance s'obtient avec difficulté et qu'il est dépourvu de pain. Ou qu'il lui arrive de voir un homme qui ne prend pas sur lui le joug de la Torah et porte une aversion pour ceux qui l'étudie, à qui [pourtant] on distribue sa subsistance avec largesse, ayant de quoi manger, en être rassasié et (même) en laisser, comme on le promet normalement à ceux qui étudient la Torah, et que l'on est donc en présence d' une inversion des choses, ce n'est pas une raison pour qu'il rejette (le joug divin) et fasse naitre en lui des idées hérétiques, D. en préserve ! Au contraire il justifiera son sort et dira : D. est vérité et son verdict est vérité. C'est pour cela qu'il est dit "le Rocher", qui évoque l'autorité et la force: cette expression vise la [situation] où la main de D. agit sur l'homme avec sévérité. Malgré cela il faut justifier [la sentence] et dire : Son action est parfaite ! Cela, donc, lorsqu'il constate que celui censé être nourrit avec largesse, l'est avec mesure. Et le verset termine en disant : "car tous Ses chemins sont justice", ceci incluant ceux censés être nourris avec mesure et qui le sont gracieusement. Car, en effet, toutes les voies de D. son justice : il n'a donné au juste des souffrances que parce que celui-ci les a mérité. Et n'a amené aux mécréants des bienfaits que parce que ceux-ci l'ont mérités."
L'union fait la force.
"Car il fait partie de l'Eternel, son peuple. Yaakov est une corde de son héritage." (32,9)
Le Tsadik Rabbi Moché de Koubrin enseignait, à propos de ce verset, l'idée qui suit : la particularité d'une corde épaisse, c'est d'être composée d'un nombre important de fils, si bien que même s'il arrive à l'un d'entre eux de se détériorer ou de se rompre, cela n'entrave pas l'utilisation de la corde. Mieux : parfois on ne sait pas qu'un des fils est endommagé. Il en est de même pour le peuple d'Israël : lorsque ses membres sont unis, ils se renforcent et développent leur force de résistance face aux ennemis qui le menacent. Mais ce n'est pas tout : puisque chaque juif est responsable de son semblable, si l'un d'eux est "défectueux", il pourra trouver son salut en se rapprochant de son ami.
Le monde à l'envers
"Car c'est une génération de renversement"(32,20)
Selon le sens premier, "une génération de renversements" désigne une génération qui dévie du droit chemin et manipule chaque élément en fonction de ses propres caprices. C'est ce que proclame le prophète Yicha'yaou contre les fauteurs d'Israel qui désignent le mal par le bien et inversement (5,20).
Les rabbins contemporains amènent souvent un exemple illustrant ce phénomène : si nous demandons à un juif qui gagne bien sa vie : pourquoi donc ne te voit-on pas plus souvent à la synagogue ou à la maison d'étude ? il répondra souvent qu'on est loin de pouvoir s'imaginer combien il est pris par le travail, qu'il doit répondre aux sollicitations grandissantes d'une clientèle qui ne le laisse point respirer, et qu'il est trop souvent en chemin ou en voyage pour avoir du temps à consacrer au travail ou à l'étude. En revanche, si les trésoriers de la Tsédaka viennent taper à sa porte pour le solliciter, on obtiendra souvent la réponse suivante :" ne pensez pas que les affaires aillent si bien : les clients se font rares, les commandes diminuent, le travail devient rare"… bref, le monde à l'envers.
Le mérite des pères.
"Car l'Eternel jugera son peuple, mais retournera son jugement en faveur de ses serviteurs." (32,36)
Le célèbre exégète Baal Hatourim laisse entendre que le verset traite de personnes "vides de Torah". Ce sont donc des personnes qui ne sont pas imprégnées de Torah dont parle le verset. Ce commentaire est étonnant car le verset nous parle pourtant d'un retournement de la rigueur divine en une compassion pour ses serviteurs. Les personnes vides de Torah peuvent elles être qualifiées comme serviteurs de D. ? C'est qu'en réalité la miséricorde qui l'emporte sur la rigueur est une conséquence du mérite de ceux qui ont réellement servis D., entendons les Patriarches. Par le mérite de leur fidélité envers D., les générations tardives bénéficient du renversement évoqué.
(D'après Tseror Hamor, Rav Avraham Saba')
R. Chmouel Olivier